Soumis par Minh-Thu le
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Journée internationale des femmes et des filles de science

Aujourd’hui, ce 11 février 2022, se tient la journée internationale des femmes et des filles de science. Le RS2E étant un réseau de chercheur.es, nous avons décidé de mettre en lumière certaines de nos chercheures.

Elles habitent Paris, Bordeaux, et Caen, et partagent toutes les quatre cette passion pour la recherche et le stockage électrochimique de l’énergie :

  • Docteure Antonella Iadecola (AI)
  • Docteure Christel Laberty-Robert (CLR)
  • Docteure Valérie Pralong (VP)
  • Docteure Laurence Croguennec (LC)
     

Afin d’en apprendre davantage sur elles, leurs parcours, et la place des femmes dans le monde de la recherche, nous leur avons posé quelques questions.

           o   Quel est votre sujet de recherche et votre spécialité ?

AI : J’étudie les mécanismes de fonctionnement et dégradation dans les systèmes pour le stockage électrochimique de l'énergie en utilisant les techniques de caractérisation par rayonnement de synchrotron.

CLR : Mon travail se porte sur la synthèse de matériaux hybrides pour concevoir des batteries et des piles à combustible performantes, en particulier, la synthèse de nouveaux électrolytes possédant des propriétés d'auto-réparation.

VP : Mon sujet de recherche est centré sur la synthèse et caractérisation de nouveaux matériaux conducteur ionique. Ma spécialité est la synthèse de matériaux.

LC : Je suis Chimiste du Solide et Cristallochimiste dans le domaine des matériaux développés pour les batteries et le stockage électrochimique de l’énergie (batteries M-ion (M = Li, Na, K) et tout-solide).

          o   Pourquoi avez choisi d'être une scientifique ?

AI : Depuis l'enfance, la curiosité m'a poussée à chercher des réponses à mes questions, qui étaient variées et nombreuses. Mais le vrai amour pour la science a été déclenché par mon prof de math du lycée, qui m'a appris à cultiver la créativité et la constance. Donc j'ai choisi de suivre des études en physique, pour essayer de répondre à toutes mes questions ! Grace à mon encadrant de master, j'ai « débarqué » à l'ESRF en juillet 2018 pour une manipulation et j'avais l'impression d'être chez moi. Le synchrotron est devenu rapidement mon habitat idéal. 

CLR : C'est la rencontre avec le Professeur Francis Dabosi, qui travaillait dans le domaine de la métallurgie aéronautique à l'Université de Toulouse qui m'a poussé à choisir la Science des Matériaux et à faire une thèse. C'est ensuite la collaboration avec la Professeure Alexandra Navrostky, à l'Université de Princeton qui m'a définitivement convaincue de faire une carrière universitaire. Elle m'a démontré qu'indépendamment de l'origine sociale et des difficultés personnelles, la passion pour la science et le travail mènent au succès. C'est la culture de la recherche universitaire américaine qui m'a profondément marquée.  

VP : Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu être chimiste, petite je m’amusais à concocter des potions et autre à partir de tout ce que je pouvais trouver : produits ménagers, de la salle de bain, du jardin… Mon principal souci était le non-accès au four. A 10 ans j’ai décidé de devenir chimiste. J’avais entendu parler du CNRS et l’intégrer est devenu pour moi un objectif.

LC : Depuis toute jeune j’aime les sciences, que j’ai d’abord découvertes à travers les mathématiques, puis plus tard à travers la chimie et la physique. J’ai souhaité très tôt avoir un métier en lien avec les sciences. J’ai eu beaucoup de chance de rencontrer dès le collège des professeurs passionnés par les sciences et, à d’autres moments clés de mon parcours, des professeurs et chercheurs qui m’ont donné confiance dans mes capacités à devenir scientifique et plus tard chercheur au CNRS.

          o   Pourquoi avoir choisi ce sujet ?

AI : Je me suis retrouvée parmi les chimistes par hasard. Je viens de la physique expérimentale et j'étais en post-doc à Elettra, le synchrotron italien, sur la ligne de spectroscopie d'absorption X. C’est la rencontre avec Lorenzo Stievano, qui venait pour étudier des batteries au souffre, qui m'a fait découvrir d’autres horizons. Ce qui se passait au sein de la batterie m'a intrigué et nous avons commencé à travailler ensemble, c'était en 2012.

CLR : Il y a 20 ans, j'ai choisi de m'orienter vers le domaine des piles à combustible après une thèse en catalyse. J’ai eu l'intuition que le domaine des énergies renouvelables allait devenir une préoccupation centrale.

VP : Le stockage de l’énergie est un des enjeux majeurs, les besoins en matériaux étaient évidents, et travailler sur un sujet appliqué sont les principales raisons de ce choix. De plus, j’ai eu la chance d’écouter les cours de Jean-Marie Tarascon dès son arrivée aux Etats-Unis. Il sait transmettre sa passion et c’est grâce à cette rencontre que je travaille dans ce domaine.

LC : C’est le résultat d’une succession de rencontres avec des chercheurs passionnés et passionnants, qui ont fait que j’ai d’abord souhaité découvrir ce domaine de recherche dans le cadre de ma thèse, et ensuite poursuivre mes recherches en tant que chercheur CNRS dans ce domaine. Je voulais en effet faire de la recherche fondamentale dans un domaine avec une finalité appliquée. J’avais beaucoup entendu parler de l’Institut des Matériaux de Nantes. J’ai donc contacté son Directeur, Jean Rouxel, en lui expliquant mes motivations et c’est ainsi que j’ai débuté ma thèse avec deux chercheurs passionnés, Raymond Brec et Philippe Deniard. J’ai eu la chance de pouvoir poursuivre mes recherches dans ce domaine en intégrant en tant que chercheur CNRS l’Institut de Chimie de la Matière Condensée de Bordeaux et plus spécifiquement le groupe de recherche Ionique du Solide, un environnement scientifique privilégié alors dirigé par un autre chercheur passionné, Claude Delmas. Ce domaine de recherche reste pour moi, après 25 ans, riche en termes de défis toujours renouvelés et passionnants, tant dans la découverte de nouveaux matériaux que dans la compréhension de mécanismes originaux pour le développement de nouvelles technologies de batteries.

          o   Qu'avez-vous envie d'accomplir dans votre recherche ?

AI : Mon rêve est de développer une approche multi-échelle résolue en temps qui permettrait d'avoir toutes les informations chimio-physique de la surface au volume pendant une seule manipulation.

CLR : Apporter ma contribution concrète à la résolution d'un des enjeux les plus importants de l'histoire de l'humanité ! C'est un domaine très récent dans lequel il y a encore beaucoup de découvertes à faire.

VP : Proposer un matériau avec une réelle répercussion auprès de mes pairs.

LC : J’ai la chance d’évoluer dans un domaine de recherche en pleine évolution dont les défis sont en permanence renouvelés. Il s’agit désormais pour moi de développer des nouveaux procédés de synthèse et des matériaux durables, d’optimiser la synthèse, la mise en forme et les propriétés de ces matériaux pour les nouvelles générations et technologies de batteries, et de recycler ces matériaux. Il s’agit aussi pour moi de participer au développement des nouveaux outils de caractérisation des matériaux ou des mécanismes mis en jeu au sein des batteries, pour mieux prévenir leur vieillissement et optimiser leur fonctionnement, en s’appuyant sur les innovations majeures réalisées ces dernières années en termes de résolution temporelle et spatiale en diffractions, microscopies et spectroscopies.

Au-delà de l’accomplissement strictement scientifique de mes recherches, j’adore former par la recherche. J’aime voir évoluer les jeunes doctorants pendant leur thèse, les voir petit à petit prendre leur autonomie en devenant forces de propositions, et ensuite s’intégrer dans le monde de la R&D ou de la recherche.

          o   Quelle est la place d'une femme dans le monde de la recherche et dans le monde de la recherche des batteries ?

AI : Il faut encourager et soutenir les femmes qui choisissent de continuer à faire de la recherche. Malheureusement, elles sont encore très peu nombreuses, surtout à haut niveau et dans des positions stratégiques. En général, le problème se pose après la thèse, car la précarité et la compétition demandent une totale implication. Cependant, là où il y a des obstacles, il y aussi des opportunités. Il faut suivre la règle des 3C : Créativité, Constance, Courage.  

CLR : En dépit des succès de Marie Curie et Irène Joliot Curie, il est évident qu'aujourd'hui les femmes n'occupent toujours pas les premiers rôles dans la recherche française. Plusieurs des étudiantes que j'ai encadrées en thèse ces dernières années me font cependant espérer que les choses sont en train de changer. En plus de leur compétence, elles sont aujourd'hui plus sures d'elles et la société est plus encline à les reconnaitre en tant que scientifiques, ce qui leur permettra peut-être de briser le "plafond de verre".

VP : Je pense que la recherche nécessite une grande ouverture d’esprit et de curiosité bien au-delà du sexe du chercheur. Je pense que le monde de la recherche a besoin de tout type de talents, de natures, de caractères et qu’accepter les différences des uns et des autres est nécessaire dans le monde de la recherche plus qu’ailleurs. J’ai rencontré sur mon chemin quelques chercheurs masculins qui auraient effectivement préférés me voir faire le café et ne surtout ne pas prendre trop de place en termes de contrat de recherche. Cependant, c’est aussi le jeu de la compétition et l’unique façon pour certains de se valoriser.

LC : J’ai toujours un peu de difficulté à répondre à ce type de questions car personnellement je ne souhaite pas être vue comme une femme dans le monde de la recherche, mais comme un chercheur, et j’espère donc être objective en disant que dans mon domaine de recherche ou encore dans mon environnement de travail la femme peut avoir la même place que son collègue homme, du moins si elle le souhaite. Parfois, notre plus grande sensibilité (en moyenne) à la réussite du collectif plutôt qu’à celle de l’individu et à la qualité de vie au sein de ce collectif, reste encore trop souvent perçue comme une faiblesse, alors qu’à mon sens c’est au contraire une force.